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Wagner Moura, sur de bons rails

Par Alexandre Hervaud  

L’acteur brésilien connu en France grâce à son interprétation d’Escobar dans «Narcos» défend la légalisation des drogues.

Wagner Moura à l'hotel Meuricen le 8 juillet. Photo Martin Colombet. Hans Lucas
Une série produite par une société française, tournée en Colombie avec un acteur brésilien, et diffusée par un géant américain implanté dans 190 pays. Au rayon symbole des fictions mondialisées, Narcos se pose là. Cette série Netflix produite par Gaumont Television revient pour une deuxième saison ce vendredi 2 septembre. Un lancement international façon blockbuster qui méritait bien une tournée promo européenne. Le service de VOD par abonnement a donc promené cet été, de Londres à Paris, Wagner Moura, tête d’affiche de cette plongée dans les cartels colombiens sur fond de «war on drugs» menée par l’Oncle Sam. L’occasion ne se reproduira pas : Moura, 40 ans, incarne en effet pour la dernière fois Pablo Escobar, abattu par la police en 1993.
Qu’on ne hurle pas au spoiler : la mort du fondateur du cartel de Medellín dans cette fournée de dix épisodes fait partie intégrante du plan de com de Narcos, qui sera a priori renouvelé pour une troisième saison focalisée sur un autre cartel. Choisir Moura pour incarner le plus célèbre narcotrafiquant au monde dans une série se voulant réaliste ne coulait pas de source. Un Brésilien svelte ne parlant pas un mot d’espagnol dans la peau du ventru Colombien ? Autant imaginer Jean Dujardin en Winston Churchill pour une série BBC. Avant même d’être confirmé dans le rôle, le natif de Salvador de Bahia file à Medellín pour apprendre la langue de A à Z en quelques mois (et prendre une vingtaine de kilos). Fiction bilingue alternant dialogues en anglais et en espagnol, Narcos est tourné en extérieurs avec un casting international. «J’avais assez honte au début du tournage, car j’y ai rencontré certains des meilleurs acteurs de Colombie, du Mexique, du Chili et d’Argentine, et je n’avais jamais entendu parler d’eux», nous confessait en juillet Moura, superstar en son pays. Le Brésil, plus grand territoire d’Amérique du Sud, est d’après lui «isolé culturellement», langue portugaise oblige. En tournant Narcos entouré d’une équipe aussi diverse, il affirme s’être senti pour la première fois «latino-américain».
Moura naît en 1976, neuf ans avant la fin officielle de la dictature militaire. Sergent dans l’armée de l’air, son père ne discute pas de politique à la maison. Elevé avec sa petite sœur par une mère au foyer, Moura grandit dans un pays où les livres n’évoquent pas le coup d’Etat de 1964, mais vantent un Brésil «sauvé du communisme». Encore aujourd’hui, il dénonce le manque d’information sur le sujet («Il existe une littérature universitaire, mais qui ne touche pas les masses») et regrette l’absence de condamnations «des militaires tortionnaires et assassins» protégés par la loi d’amnistie de 1979. Son premier film en tant que réalisateur, qu’il tournera l’an prochain, sera d’ailleurs un biopic du guérillero révolutionnaire Carlos Marighella, considéré comme l’ennemi numéro 1 de la dictature jusqu’à sa mort, en 1969.
Jeune, Wagner Moura déménage à Rio de Janeiro à la faveur d’une mutation de son père. Quand celui-ci prend sa retraite, retour à la case départ. La famille retrouve Salvador, où le futur Escobar peine à se lier aux autres élèves. Il se lance dans le théâtre «par besoin social, pas par ambition artistique». Il se sent juste à l’aise avec «les gens de ce milieu». Salvador reste aujourd’hui son endroit «préféré au monde». «Ce que je suis devenu, en tant qu’homme et artiste, doit beaucoup à la culture africaine de cette ville, sans doute la plus noire d’Amérique du Sud à cause de son port, utilisé pendant l’esclavage.» Malgré sa passion, Moura préfère la fac de journalisme à l’école dramatique. Il y rencontre sa future femme et travaille brièvement dans un journal tout en continuant à courir les auditions. En 2000, un succès au théâtre l’emmène en tournée dans tout le pays. Le cinéma lui fait de l’œil. Il restera donc à Rio, où il vit encore aujourd’hui, tout en gardant un pied-à-terre à Salvador. Chaque été, ce père de trois enfants y retrouve quelques amis d’enfance pour répéter : depuis 1992, Moura est le chanteur de Sua Mãe («sa mère»), groupe assez anecdotique entre rock et variété.
Son premier rôle majeur devant la caméra est comique. En 2003, il traîne au côté de Dieu lui-même dans Deus é Brasileiro («Dieu est brésilien») road-movie décalé de Carlos Diegues. Depuis la fin des années 90, le cinéma brésilien connaît un renouveau grâce aux réformes du financement des longs métrages. Moura en est l’un des fers de lance, notamment grâce à son rôle de flic violent dans Tropa de Elite (2007) de José Padilha, ours d’or à la Berlinale et carton au box-office qui connaîtra en 2010 une suite plus aboutie. Taxé de fasciste comme en son temps le Robocop de Paul Verhoeven (dont Padilha signera plus tard le remake), le film est ardemment défendu par Moura. «C’est fou d’imaginer qu’un réalisateur puisse penser comme un de ses personnages», réaffirme-t-il, tout en concédant des divergences politiques avec son «ami» Padilha, venu du documentaire. Il lui doit son rôle de Pablo Escobar, le réalisateur étant le producteur exécutif de Narcos, dont il a mis en scène le pilote. Au lancement de la série, pas à l’abri des procès en glamourisation de criminels sanguinaires, Moura avait pointé l’aspect «paradoxal» de son personnage, encore largement adulé à Medellín bien qu’étant «l’un des tueurs les plus impitoyables de l’histoire contemporaine».
Pour ce fan de The Cure et New Order, la série Netflix n’est pas la première expérience en matière de feuilleton. En 2007, il apparaît chaque soir dans la telenovela Paraíso Tropical. «Comme le foot, ces programmes font partie de notre culture, qu’on les aime ou pas», explique celui qui donnera plus tard la réplique à Matt Damon dans Elysium (2013). Une unique aventure hollywoodienne à cette heure pour celui qui n’a pas particulièrement envie de gloire américaine. Vivre deux ans in extenso en Colombie ne l’a pas éloigné de l’actualité brésilienne. Pour ce militant de gauche, qui n’hésite pas à parler politique en interview et à signer des tribunes dans la presse, «les forces conservatrices sont sorties du bois, et des groupes de financiers, de médias et de vieux politiciens ont uni leurs forces pour écarter Dilma Rousseff». Il n’a jamais soutenu la présidente menacée de destitution, qu’il estime «incompétente» tout en reconnaissant son action avec Lula pour lutter contre la pauvreté, mais juge le procédé farouchement «antidémocratique». Ses recherches pour préparer Narcos l’ont amené à défendre la légalisation des drogues : «L’addiction est un problème grave, mais qui devrait être traité comme un problème médical, pas policier.» Il estime que la guerre contre la drogue en Amérique du Sud, pilotée en partie depuis Washington, a fait plus de morts que la came elle-même. Escobar serait sûrement d’accord.

1976 Naissance à Salvador (Brésil).
2003 Premier rôle majeur dans Deus é Brasileiro.
2007 Joue dans la telenovela Paraiso Tropical.
2008 Tropa de Elite ours d’or à Berlin.
2 septembre 2016 Narcos saison 2 sur Netflix.

Alexandre Hervaud 
 
Fonte: Liberation 

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